7 juin 1944

Parmi les témoignages précieux sur le mois de juin 1944 en Tarentaise, le journal de Jean Suraud. Ce résistant appartenait à l'Etat-Major du 6ème Bataillon Armée Secrète (Secteur 3 bis) avec le grade de Lieutenant affecté au secteur Aigueblanche - Moûtiers. Le 07 juin, il est à Hautecour ...

" 7 juin. — Au Breuil d'Hautecour 15 h 30 — Ça va — tous ont un cantonnement grâce aux gars de la section d'Hautecour.
Le PC est au Villard — le Colonel vient d'arriver. Mais également un revenant, le Capitaine Tournon, un ancien de la 16e Demi-Brigade que seuls le Colonel, Cohendoz et moi-même connaissons — il aurait la mission de prendre le Commandement militaire à la place de Mollaret (et de Lungo). Le Colonel est méconnaissable — on dirait un berger valdotain — Congratulations — mais son air me frappe ; il semble dépassé par les événements.
Je suis perplexe et ne sais que dire.
Une discussion a lieu à propos de la Section du Siaix dont le chef a interdit de tirer — il a donc été relevé et remplacé, mais de ce côté l'affaire a été manquée. Il y aurait un groupement de 150 hommes de la région de Bozel à Notre-Dame-du-Pré.
Au Siaix la vieille route est minée et prête à sauter. Le Colonel dit que si la Nationale est coupée les Fritz vont passer de part et d'autre par en haut et notamment par Hautecour et Montgirod, car ils ne peuvent se passer de l'accès à l'Italie.
La plupart pensent le contraire et que les boches, choqués, vont évacuer la Vallée.
Le Colon, sachant que je connais bien les chemins me demande de conduire son agent de liaison jusqu'au Cormet d'Arêches afin qu'il porte un message en Beaufortain — demande Liaison et des Munitions — d'accord, je mange un morceau et me prépare et à 4 h 30 nous partons du Villard."

Le Colonel auquel il est fait allusion est le colonel Vergezac. Le Dictionnaire biogaphique des militaires dans la Résistance le présente ainsi :   

Henri Vergezac

Lieutenant-colonel - dit Lasseigne
État-civil :
Né le 27 mai 1887 à Saint Vidal (Haute-Loire)
Marié
Il décède le 15 octobre 1983 à Paris
Carrière militaire :
Sous-lieutenant en 1910, il est lieutenant en 1914, capitaine en 1916, commandant en 1930 au 13e BCA et lieutenant-colonel en 1939. Il commande alors la 16e demi-brigade alpine de forteresse.
Après l’armistice il est à la tête de la 3e demi-brigade de chasseurs alpins (7e, 13e et 27e BCA).
En novembre 1940 il commande le district de la Maurienne.
Mis à la retraite le 27 mai 1941, il dirige l’amicale des anciens de la 16e DBAF qui sert de support au bataillon de mobilisation de Tarentaise et du Beaufortin.
Résistance - Libération :
À partir de mars 1944, il commande les maquis du Beaufortain et de la Tarentaise.
Le 4 août il dirige les combats au col d’Arêches puis, du 10 au 12 août 1944, ceux du verrou de Feissons-sur-Isère, de Moutiers, de l’Étroit-du-Siaix, des Chapieux le 21 août, d’Aime et de Bourg-Saint-Maurice fin août 1944.
w Il a sous ses ordres le bataillon Bulle, fort de 1.400 hommes, et le bataillon Villaret de Tarentaise, avec 1.300 hommes.
Avec les tirailleurs du 3e RTA, il participe à l’attaque du col du Petit-Saint-Bernard en septembre 1944.
Du 1er octobre au 20 décembre 1944, il commande les unités territoriales de la Savoie.
Carrière après guerre :
Il dirige la subdivision d’Annecy du 1er janvier au 1er octobre 1945. Il prend ensuite sa retraite définitive.
Distinctions :
Commandeur de la Légion d’honneur
Croix de guerre 1939-45
Médaille de la Résistance.

Ce qui fait que le colonel a un air étrange ce 7 juin 1944, outre l'accélération des événements, est sans doute l'arrivée du Capitaine Tournon (dit Villaret) appelé à prendre le commandement militaire. C'est peu dire que les deux hommes ne s'aimaient guère. La Résistance fut aussi un apprentissage de la cohabitation, ici entre un militaire de 57 ans, déjà officier lors de la Première guerre mondiale et un jeune officier formé à d'autres méthodes.

Jean Suraud fait enfin allusion aux événements du Siaix sur lesquels nous reviendrons.