Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
20 février 2012 1 20 /02 /février /2012 21:46

" Celui qui croyait au ciel celui qui n'y croyait pas
Répétant le nom de celle qu'aucun des deux ne trompa
Et leur sang rouge ruisselle même couleur même éclat

Celui qui croyait au ciel celui qui n'y croyait pas
Il coule, il coule, il se mêle à la terre qu'il aima
Pour qu'à la saison nouvelle mûrisse un raisin muscat "

 

LA ROSE ET LE RÉSÉDA ( Louis Aragon )

 

Deux témoignages, datés du 08 novembre 1964, prononcés lors d’un hommage à l’abbé Fernand Boch. L’un est celui d’une chrétienne qui a tenu une place importante dans le scoutisme ; l’autre du Chef des Mouvements Unis de Résistance (MUR) du Secteur d’Albertville, franc-maçon. Celle qui croyait au ciel et celui qui n’y croyait pas se retrouvent autour de celui  dont le « sang rouge ruisselle » …

Extraits du discours prononcé au nom du Scoutisme de Tarentaise par Mademoiselle LOVICONI :
Printemps 1939. Premiers contacts avec le Scoutisme de Tarentaise. En juillet, nous fêtons les dix ans du groupe d'Albertville et, du collège où notre fête le ramena fort tard, Monsieur l'Abbé nous écrit le soir même son enthousiasme et sa joie d'être devenu notre guide spirituel, et nous trace son programme :
« Vous vous êtes aperçus, nous dit-il, que je ne saurai jamais me résigner au rôle d'Aumônier strictement bénisseur et que mon ambition, c'est de m'occuper activement de toutes les choses du scoutisme. Le seul reproche que je pourrai vous faire, c'est de ne pas me mettre assez à contribution. »...
Cinq années merveilleuses pour tous ceux qui ont eu la joie d'appartenir alors au scoutisme de Tarentaise et qui se souviendront toujours et qui vivent encore intensément les heures inoubliables de nos camps, de nos routes, de nos veillées de prières, marqués profondément par l'enthousiasme et la foi ardente de notre Aumônier.
Devant nos craintes exprimées un jour de 1942 de voir le scoutisme contraint pour survivre d'être mis au service de l'Etat, nous recevions cette réponse que nous nous devons de citer :
« Ma position est nette. Tant que je ne serai pas désarmé, je resterai à mon poste. Je m'efforcerai de maintenir, d'être le point de vue chrétien. Je ne dévierai pas d'une ligne de la voie que j'ai suivie jusqu'ici. Je continuerai à dire — jusqu'à ce qu'on me fasse taire — qu'il faut uniquement jouer chrétien, penser et agir chrétien. Je rejetterai toute compromission avec l'Etat — quel qu'il soit — et je lutterai dans le même sens que par le passé, animé du même espoir, malgré tout, décidé d'arracher bride par bride: l'âme des enfants à l'emprise de la sottise et de la lâcheté ».
Eut-il le pressentiment de sa mort quand, à la veille de son départ, il nous écrivait :
« Reviendrai-je de la guerre ? Dieu seul le sait et je me mets entièrement entre ses mains. Je demande aux Chefs, aux Scouts, aux Louveteaux, de prier de temps en temps pour que leur Aumônier soit à la hauteur de la tâche qui l'attend, afin qu'il vous donne toujours l'exemple du courage et qu'il se présente devant Dieu, si l'heure sonne, avec les mains pleines de mérites !
Son retour à la Maison du Père fut pour nous tous une très douloureuse épreuve. Quelque chose semblait brisé. Comme promis, nous avons essayé de maintenir et aujourd'hui nous nous réjouissons avec vous, Monsieur l'Abbé, en évoquant telle petite Sœur du Père de Foucault servant ses frères africains, notre sœur carmélite priant dans son grand couvent, à la fois si loin et si près du monde, ce louveteau qui suivant votre trace entraîne à son tour sa paroisse et ses jeunes sur la route ouverte par vous, ces cheftaines, ces chefs, ces louveteaux, pères et mères de familles, célibataires au service des autres, et qui tous tiennent leur place dans la cité, chacun puisant les forces nécessaires à l'accomplissement de sa tâche dans le souvenir vivant de ces années si belles et si riches qu'ils vécurent par vous.

Extraits du discours de M. GAUDIN, ancien responsable du mouvement « Libération Sud » pour la région d'Albertville
...C'est dès les premiers jours de 1941 que l'Abbé Boch donna son adhésion au Mouvement. Il se révéla de suite une recrue précieuse, un militant actif. Calme, réfléchi, discret, il accepta de contribuer à l'organisation du secteur. Sur son instigation, le Petit Séminaire de Saint-Paul constitua un centre apprécié d'informations, de propagande et de liaison entre les deux fractions du secteur Albertville-Moûtiers, relais sur lequel nous savions pouvoir compter, et qui ne faillit jamais à la mission qui lui était dévolue. Ses amis et lui firent du Petit Séminaire de Saint-Paul un havre sur où les résistants savaient trouver le réconfort et le repos.
Dans le secteur, l'Abbé Boch devait rencontrer son ancien officier du 80e B.A.F. Ils s'étaient connus lors des combats à la frontière italienne. C'était le capitaine Jean Bulle. Une affectueuse amitié les unissait depuis. Aussi quand les premiers parachutages furent largués dans la région, le capitaine Bulle demanda à l'Abbé Boch de prendre le commandement de la section de mortiers que ces parachutages devaient nous procurer...
L'ennemi désirant garder une route dégagée de tous obstacles pour assurer la retraite avait notamment pensé à celle qui conduisait en Italie par le col du Petit-Saint-Bernard. Une première colonne se mit en marche, progressant le long de l'Isère en direction de Moûtiers, couverte par une avant-garde de soldats cyclistes. Ce fut au bouchon de Feissons qu'un tir nourri des effectifs de la résistance stoppa son avance, lui causant de lourdes pertes. Abandonnant leurs bicyclettes, les soldats d'avant-garde se replièrent sur le gros de la colonne, et l'attaque reprit avec plus de force. Malgré sa supériorité en matériel et en hommes, malgré sa pratique de la guerre, acquise au cours de longues années de lutte, l'ennemi fut cloué sur place, grâce aux tirs bien ajustés du mortier de l'Abbé Boch et au courage des résistants. Durant de longues heures, il fut stoppé et subit de lourdes pertes. Comprenant qu'il ne pourrait forcer ce barrage, il entreprit de le déborder sur les ailes. Après de durs efforts, il réussit à se hisser en des points élevés, d'où il put attaquer nos positions de face et de flanc. Pris sous les feux croisés de l'ennemi, nos partisans ne pouvaient plus résister : ils durent décrocher et abandonner la lutte. Les Allemands arrosèrent de leurs obus les taillis et la forêt. Mortellement atteints, des résistants tombèrent, d'autres, blessés, purent s'échapper. L'Abbé Boch fut frappé par un éclat d'obus à son poste. Evacué sur l'hôpital de Moûtiers, malgré les soins diligents, il devait s'éteindre le lendemain.
...Tous nos morts, fraternellement réunis, sont pour nous le plus bel exemple du patriotisme et des vertus civiques de notre race... Tous ont sacrifié leur vie pour notre liberté. Notre pensée affectueuse entouré d'une pieuse reconnaissance pour tous ces morts,  ceux qui tombèrent au combat  comme ceux qui moururent  dans les camps de concentration et ceux qui succombèrent aux tortures. Tous ont droit à ce que leur souvenir reste vivant parmi nous. Comme l'écrivait le poète :
 

"Ceux qui pieusement sont morts pour la patrie
Ont droit qu'à leurs tombeaux la foule vienne et prie".

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : La Résistance en Tarentaise
  • : Durant la Seconde Guerre mondiale la vallée de la Tarentaise (Savoie) a été particulièrement marquée par l'implantation des maquis et des mouvements de Résistance (Libération, Armée Secrète, FTP). Grâce à la Mission interalliée Union, des parachutages importants ont pu se faire et ont permis aux Forces Françaises de l'Intérieur de libérer la vallée.
  • Contact

Recherche

Liens